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Interview : Alain Renault, Groupe Sighor

Rédigé par Jana Marija Andjelkovic | Nov 14, 2023 7:00:00 AM

DEALCOCKPIT : Pouvez-vous vous présenter ?

Alain Renault : Je suis Directeur Général du groupe Sighor depuis 2010. J’ai un parcours très spécialisé qui a débuté dans la finance et l’expertise comptable, mais j’ai préféré m’orienter vers la gestion d’entreprise plutôt que de travailler en cabinet. J’ai travaillé dans de grandes entreprises spécialisées dans la restauration commerciale, principalement dans les concessions publiques couvrant les autoroutes, les aéroports et les gares. J’ai eu des expériences au sein de grands groupes tels que Autogrill. J’ai décidé de rejoindre Sighor, qui était une PME, pour développer le marché de la restauration sur autoroute.


DC : Pouvez-vous revenir sur votre parcours d’entrepreneur ?

Alain R. : Bien sûr. J’ai occupé divers rôles administratifs et financiers au sein de différentes entreprises, toujours avec une volonté d’être généraliste sur des opérations d’acquisition et de développement. J’ai évolué vers des postes de direction générale, en particulier au sein du groupe Autogrill, avant de prendre en charge la direction de Sighor.


DC : Sighor est le premier groupe de restauration indépendant français, financé sur des fonds propres. Comment avez-vous fait pour avoir 71 espaces d’hôtels et de restauration dans toute la France ?

Alain R. : Sighor est une entreprise assez jeune, fondée au début des années 90 à Clermont-Ferrand, qui a débuté en remportant un premier appel d’offres lors de l’arrivée de l’autoroute Paris – Clermont-Ferrand pour gérer sa première activité à l’aire des Volcans d’Auvergne.

La société a été créée par des hôteliers et restaurateurs auvergnats, ayant la fibre de la restauration de l’hôtellerie. Ils ont apprécié la gestion des aires de service autoroutières et ont progressivement étendu leur activité en commençant par la région Auvergne, puis en s’élargissant à la Corrèze et à l’Aveyron, avant de devenir un véritable interlocuteur de toutes les sociétés autoroutières en France. Leur premier métier était le développement des concepts de restauration, mais également des services annexes comme la distribution de carburants et la gestion de boutiques avec des enseignes telles que Casino et Carrefour.
Étant un des seuls indépendants sur le marché autoroutier qui est surtout trusté par des grands groupes internationaux, nos spécificités culinaires, nos méthodes et notre vision sur des produits de terroir nous a toujours laissé une part du marché.

Plus récemment, il y a environ vingt ans, les actionnaires ont décidé de diversifier leurs activités en créant une deuxième branche, à savoir la gestion d’hôtels, en vue d’avoir une chaîne en dehors des autoroutes avec ses propres spécificités : un grand confort de niveau trois étoiles à un prix très compétitif. Nous avons donc aujourd’hui la chaîne Ace Hôtel qui regroupe actuellement 33 hôtels en France, dans les principales métropoles françaises.


DC : Entre vos enseignes, y en a-t-il une que vous préférez et pourquoi ?

Alain R. : Je mettrais en avant l’enseigne Origin’R, la plus récente de notre portfolio, car elle incarne le slogan « de la terre à l’assiette ». Nous nous efforçons d’y proposer des produits de terroir d’excellente qualité tout en les rendant accessibles au grand public. C’est une marque sur laquelle j’y apporte mon attachement particulier. Bien sûr, dans le domaine d’hôtellerie, je crois fermement en l’avenir de la marque Ace Hôtel.


DC : Quels sont vos objectifs à long terme et quelle est votre stratégie de développement ?

Alain R. : Récemment, nous avons cédé notre activité de restauration sur autoroute au groupe Areas, le leader de ce secteur, en raison des évolutions du marché de la restauration, des investissements importants requis, et des effets de la pandémie de COVID-19. Nous sommes une équipe d’entrepreneurs-actionnaires, un métier à forts capitaux en matière d’investissement, ce qui nous a conduit à choisir de protéger cette branche en la confiant à un acteur majeur. Notre stratégie de développement est désormais axée sur notre chaîne hôtelière, Ace Hôtel, et nous anticipons l’ouverture de deux à quatre hôtels par an dans les métropoles françaises, [au fur et à mesure des années à venir]. En parallèle nous travaillons sur des services innovants liés à la mobilité pour répondre aux besoins des voyageurs, couvrant la restauration et l’hôtellerie, mais également les véhicules et les services annexes pour les grands voyageurs.


DC : Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Alain R. : Autour du véhicule, nous nous concentrons sur le domaine des énergies nouvelles et nous constituons des partenariats afin de trouver les énergies de demain. En outre, nous mettons l’accent sur la sécurité des véhicules lourds (PL) pour protéger les marchandises ainsi que les conducteurs.rices, en veillant à ce qu’ils bénéficient d’un environnement sûr et accueillant lors de leurs périodes de repos. C’est un nouveau secteur sur lequel nous travaillons activement en anticipant les besoins futurs.


DC : Pour revenir à la cession de votre société en juillet, selon vous, est-ce qu’une stratégie de développement est forcément une stratégie de croissance ?

Alain R. : À la fois oui, et à la fois non. Notre stratégie de développement est basée sur les capacités économiques à l’exécuter avec sérénité. En tant que groupe de taille modeste, nous choisissons de nous développer de manière sécurisée en déployant des ressources financières considérables, principalement des fonds propres, pour soutenir nos établissements dans les investissements nécessaires. Cette approche vise à assurer la stabilité et, en cas de difficultés, nous pouvons être amenés à céder des entreprises pour renforcer nos fonds propres et faciliter le redéploiement vers d’autres activités. C’est notre choix stratégique.


DC : Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est en constante évolution. Comment adaptez-vous votre stratégie d’acquisition aux tendances actuelles du marché et aux préférences des consommateurs ?

Alain R. : La restauration est devenue considérablement plus complexe depuis la pandémie de COVID-19. En particulier, la restauration commerciale, et plus encore la restauration liée aux voyages, sont confrontées à la gestion de flux de clients variables, ce qui exige des approches différentes de celles des restaurants en ville. La restauration étant le secteur le plus atteint par la pandémie, les deux dernières années ont été difficiles. De plus, la vision du consommateur sur le monde de restauration a évolué, ce qui nécessite la recherche des recettes de demain pour satisfaire les clients. Il est probable que des changements importants se produisent sur le marché de la restauration, entraînant potentiellement la disparition de certaines chaînes.


DC : L’enseigne Origin’R appartient donc à la nouvelle ère de la restauration et aux attentes de consommateurs ?

Alain R. : Tout à fait. Par ailleurs, dans le domaine de l’hôtellerie, les attentes des consommateurs évoluent également. Ils recherchent, par exemple, une connectivité parfaite comme s’il était au bureau. Les hôtels deviendront des lieux de vie, et leurs services vont évoluer pour offrir des espaces de co-working où les clients pourront profiter de collations et de viennoiseries. Ainsi, les hôtels deviendront des véritables points de vie, jouant un rôle central dans la vie quotidienne des clients, au-delà de la simple fourniture de logement.


DC : Pouvez-vous nous en parler plus de l’influence de la Covid-19 et des pénuries de personnel sur les activités quotidiennes ?

Alain R. : La pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur le secteur de la restauration, en particulier dans le domaine public et de voyage, en créant la nécessité de maintenir l’ouverture et la capacité de service, même en période de pandémie. Cela fut une gestion très complexe, avec des défis considérables pour le personnel. Le deuxième aspect important de cette période est le changement d’attitude et de mentalité de la population envers les métiers et ses attentes envers ceux-ci. Cela s’est traduit par une pénurie de personnel dans le secteur. Bien que cela soit un peu moins prononcé en 2023, il existe néanmoins encore des grandes disparités en France, et nous essayons d’apporter des nouvelles satisfactions au personnel. L’hôtellerie, en revanche, a des équipes plus restreintes et peut offrir une expérience de travail plus satisfaisante pour les salariés.


DC : L’expérience client dans l’hôtellerie et la restauration est essentielle. Comment assurez-vous la transition lorsque vous intégrez des nouveaux établissements à votre groupe ?

Alain R. : Dans le cadre des contrats de concession, en particulier sur les autoroutes, les activités sont soumises à des transferts fréquents, car les contrats sont généralement de courte durée, n’excédant pas 10 ans. Lorsque nous arrivons, nous avons une équipe dédiée au transfert qui met en œuvre de nouvelles organisations. L’aspect humaine est primordial, savoir accueillir et être aux côtés des équipes en place qui peuvent être déstabilisées par les changements, avec un accent sur la formation et l’accompagnement quotidien. Le premier mois d’ouverture est crucial pour la réussite. Du côté des clients, l’arrivée d’un nouvel opérateur s’accompagne habituellement d’une réforme des outils commerciaux et d’une modernisation des offres, ce qui apporte généralement une nouvelle satisfaction à la clientèle habituée de l’aire de service.


DC : Quels sont les éléments indispensables pour assurer un processus fluide d’achat ou de vente ?

Alain R. : Lorsqu’il s’agit d’acquérir une entreprise, une étude approfondie est essentielle. Il est primordial d’obtenir une documentation d’entreprise la plus complète et accessible possible, dès les premiers instants. Les Data Rooms jouent un rôle clé dans ce processus, offrant une connexion rapide et garantissant la sécurité de l’information pour une efficacité optimale. Cela s’inscrit également dans l’autre sens, en tant que cédant. La mise en place de bases de données structurées, avec une segmentation et des sommaires clairs, a été un atout pour satisfaire les acquéreurs potentiels, facilitant ainsi le processus d’évaluation.


DC : Vous faites confiance à DealCockpit, et nous vous en remercions. Comment nous avez-vous connu ?

Alain R. : J’ai découvert votre entreprise grâce au service d’un conseil en M&A, Sefico Nexia. Ils m’ont proposé plusieurs outils et j’ai choisi DealCockpit lorsque j’ai décidé d’ouvrir une très grande Data Room pour la cession de la branche autoroutière, qui regroupait plus de 12 sociétés et 35 établissements, ce qui représentait une base véritablement volumineuse. Notre collaboration a débuté à travers cette expérience.


DC : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes utilisateur de DealCockpit ?

Alain R. : Nous utilisons DealCockpit pour un grand nombre d’opérations, que ce soient des acquisitions, des cessions, ou des transferts. Il est particulièrement utile pour des opérations de transfert, qui nécessitent moins de réglementation que les acquisitions ou les cessions, et qui impliquent souvent des interlocuteurs distants. L’outil permet une transmission rigoureuse et fluide de la documentation, et nous continuons de l’utiliser pour des projets de toutes tailles, qu’ils soient courts (de trois à six mois) ou plus longs. La création de bases est facile et peut être réalisé rapidement en interne, sans nécessiter de services supplémentaires.


DC : Que pouvons-nous améliorer ?

Alain R. : La gestion quotidienne ne semble pas difficile, il n'y a que peu de points d’amélioration potentiels. L’un de ces points concerne la nécessité de donner des droits á chaque nouveau dossier aux invités ou aux collaborateurs lorsque l’architecture du sommaire des dossiers est complétée, car cela n’est pas forcément natif. C’est un détail fonctionnel qui peut être un axe d’évolution. Un autre aspect, bien que nous ayons fait un bon travail sur des Data Rooms avec Fiona sans aucune difficulté, concerne le processus d’archivage, notamment pour les petites bases complémentaires, où il pourrait être utile de mettre davantage l’accent sur la gestion de l’archivage à la fin. Ce sont les principales préoccupations, mais généralement la plateforme fonctionne bien.


DC : Merci pour ce retour. Avez-vous un dernier conseil pour les entrepreneurs ?

Alain R. : Avec du recul sur mon expérience, je tiens à souligner l’importance des outils tels que DealCockpit, aussi bien pour les processus d’acquisition que de cession. Plus généralement, il ne faut pas hésiter à faire un processus d’acquisition, bien qu’il soit long et il faut savoir le mettre en œuvre, mais non plus à vendre une entreprise qui ne correspond peut-être pas à la stratégie actuelle, car cela fait partie de la vie des entrepreneurs, et ce n’est pas un problème. Avoir des outils tels que le vôtre reste une opportunité importante pour tous les entrepreneurs.