Interview : Stéphane Sylvestre, Intervista
Les spécificités d'un cabinet multi-compétences, les défis des sociétés dans les secteurs des médias & de l'entertainment, les évolutions...
S’engager sur un marché qui n’existait pas ? Philippe l’a fait. Il nous partage comment LID Technologies est devenu leader mondial des technologies sans fil pour le secteur automobile en gardant son ancrage toulousain.
DEALCOCKPIT : Est-ce que vous pouvez vous présenter ainsi que votre société ?
Philippe Lefaure : Je suis Philippe Lefaure, fondateur et président de la société LID Technologies créée le premier juillet 2004. Nous sommes l'équipementier de premier rang pour le secteur automobile en incluant les motos et les camions. Nous sommes spécialistes dans l'électronique sans fil, des technologies sans fil autour de la pression des pneus et de la pression des pneus connectés à travers nos boîtiers télématiques communicants.
DC : La société a maintenant atteint une certaine maturité, ayant changé de trajectoire ou en tout cas de nom. Pourriez-vous nous faire un bref récapitulatif chronologique ?
Philippe L. : Nous avons tout d'abord été une trentaine de personnes avec environ trois, quatre millions de chiffre d'affaires jusqu'à 2008. À partir de 2010/2015 nous avons constaté une accélération. L’entreprise a atteint la rentabilité en 2011 et à partir de là, nous avons doublé le chiffre d'affaires tous les trois ans, ce qui est encore le cas aujourd'hui.
Les premières années, nous sommes passés de vingt millions à quarante millions et nous espérons passer à quatre-vingt millions dans les trois années à venir.
L'objectif serait d'atteindre cent millions en 2030.
DC : C'est impressionnant, nous vous le souhaitons.
Philippe L. : Nous sommes sur une technologie porteuse puisque l'Europe a légiféré une technologie où nous sommes leader mondial, à savoir la surveillance de pression des pneus sur les bus, les remorques et les camions. Cela ouvre donc des perspectives énormes et c'est pourquoi nous avons cette croissance.
DC : LID Technologies est née de l'innovation. Est-ce votre innovation ?
Philippe L. : Oui, j'ai passé dix ans chez SIEMENS à Toulouse, au sein du bureau d'études sur une division qui développaient aussi des technologies sans fil. J'ai exporté des technologies qui commençaient à naître sur l'automobile, vers les secteurs de la moto, des camions, des remorques, des tracteurs, des gros tracteurs agricoles ou des engins de chantier.
DC : Est-ce que vous continuez encore maintenant à innover ? Quelle est la place de l'innovation chez Lid Technologies, en l'état actuel des choses ?
Philippe L. : Nous réinvestissons chaque année plus de quinze pour cent dans la R&D de la société pour être non seulement innovant mais pour proposer des nouveaux produits en avance sur le temps qui nous permet d'être toujours leader dans le secteur.
Aujourd'hui, nous avons évidemment des nouveaux produits. Nous étions les premiers sur le marché ayant lancé des capteurs TPMS Bluetooth il y a trois ans. Nous avons également lancé des boîtiers connectés pour la partie remorque, pour tout ce qui est maintenance prédictive et nous développons des projets à l'horizon de trois à quatre ans, qui vont être révolutionnaires dans le domaine industriel et automobile, bien que je ne puisse pas dévoiler la teneur.
L’innovation est une part prépondérante de notre ADN, d'avoir des brevets et d'être en avance sur la concurrence. Nous étions une petite société avant d’être racheté en fin novembre 2023 par un gros groupe américain qui pèse treize milliards. Mais à l'époque où nous n’étions pas encore sous l'ombrelle de ce groupe, nous devions absolument être en avance et avoir de la technologie de pointe pour pouvoir remporter les marchés.
DC : Vous travaillez évidemment à l'international. Par rapport à votre position actuelle sur le marché, comment vous vous êtes distingué par rapport à la concurrence internationale qui doit être assez incroyable ?
Philippe L. : Nous y sommes allés dès le début. En 2005, nous avons déjà implanté une première société au Japon, en 2007 aux États-Unis, et aujourd'hui nous sommes en Corée, en Chine, en Turquie, en Allemagne et toujours aux États Unis et au Japon. Nous avons de suite implanté des sociétés au cœur de l'industrie près de nos clients, ce qui nous a permis directement d'avoir contact et d'avoir des résidents locaux qui parlaient le même langage que nos clients et nous a aidé de tisser des liens. Aujourd'hui nous avons encore des clients que nous avons depuis 2007.
DC : Vous avez fait plusieurs levées de fonds et là vous avez fait un choix différent, à savoir vous faire racheter par un plus gros groupe. Pour revenir en arrière sur les épisodes de levée de fonds, j’imagine qu’elles étaient indispensables ?
Philippe L. : Oui, nous avons fait la première levée de fonds en juin 2005, où nous avons levé deux millions. Nous devions pénétrer rapidement les marchés et il nous fallait donc investir massivement sur la R&D pour laquelle nous devions trouver des partenaires financiers sous la forme de fonds de capital-risque. C'était, à l'époque, de l'amorçage parce que c'était vraiment de l'amorçage.
Nous avons eu de la chance, c'est que nous avons trouvé des gros fonds, tels que BNP et puis un gros fonds IRDI à Toulouse qui ont misé sur nous et nous avons pu lever deux millions. Trois ou quatre ans plus tard, lorsque la crise est arrivée, nous avons levé trois millions, ce qui nous a permis de traverser la crise et d’en sortir encore plus fort. Nous avons eu une restructuration du capital en 2020 et c'est toujours ce même fonds qui est resté avec nous pour la restructuration, ce qui nous a permis de nous suivre pendant presque vingt ans avec les fonds qui ont été des fonds partenaires locaux et également parisiens.
DC : Donc, changement de stratégie ou opportunité pour le rachat ?
Philippe L. : Ce n’était pas un changement de stratégie car c'était préparé depuis le début puisque dans la fonction des fonds c'est sortir à un moment donné.
Nous avons réalisé une opération de LBO au cours de laquelle certains sont partis. Ensuite, nous avions prévu une restructuration de capital sur fond de LBO sept ans après, donc en 2027 et une opportunité de rapprochement s’est présentée avec Amphenol qui nous a sollicité. Nous avons été séduits par l'approche puisque c’est une société qui, malgré la taille de treize milliards, ne cherche pas à intégrer ses sociétés en groupe, préférant les laisser indépendantes, ce qui nous permet aujourd'hui, quatre mois après le rachat, de constater qu’aucun changement majeur, aucune intégration n’a été opéré au sein de notre organisation. Le management de Amphenol considère que nous avons a réussi jusqu'ici, donc il faut nous laisser. On nous laisse faire et on nous donne encore plus de moyens pour y arriver.
DC : En tant que fondateur, comment avez- vous vécu ces différents tours de table depuis vingt ans ?
Philippe L. : La plus dure est la première. Lorsqu’on libère du capital après la création de la société, la dynamique est différente. C'est un choix qui doit être extrêmement fort dès le début, puisqu'on donne à des financiers une partie de nos actions, mais dans la mesure où les fonds n’ont pas de rôle exécutif et que l’on a les rênes à cent pour cent de la société. Finalement, ce n'est qu'une histoire d'écriture et à la fin il y a un partage des parts.
C'est une bonne expérience car l'on continue à manager la société sans avoir quelqu'un qui nous dit comment faire. Nous avions un reporting tous les trois mois, donc, le processus était plutôt simple à gérer.
DC : Est-ce qu'il y a eu des choses inattendues ou des déconvenues ?
Philippe L. : Il y a eu des déconvenues industrielles comme en 2009, où la loi qui rendait obligatoire la pression des pneus a été reportée de dix ans. Il y a eu des aléas, et la crise de 2009 des subprimes américaines où nous avions une chance sur deux. Nous avions besoin d'argent puisque tout s'est arrêté et les fonds qui étaient au bord nous avaient dit qu’ils ont de l'argent mais pas pour tout le monde. Nous avions quinze jours pour leur montrer qu’il faut investir chez nous, et finalement nous avons développé beaucoup d'innovations pendant ce temps-là, ce qui nous a permis, aujourd'hui, d'être beaucoup plus fort et de d'être leader dans beaucoup de domaines. Finalement, la crise était un mal pour un bien.
DC : Et alors, comment voyez-vous LID Technologies dans vingt ans, ayant piloté déjà les vingt premières années ?
Philippe L. : Dans les vingt ans ce sera toujours un groupe international puisqu'aujourd'hui, 95 pour cent de notre chiffre d'affaires viennent de l’international, en dehors de la France. Une grosse ETI qui fera peut-être deux ou trois cents millions de chiffre d'affaires, qui aura un portfolio de produits beaucoup plus large et qui sera établi en gardant ses racines au cœur de Toulouse et avec des entités partout dans le monde, toujours avec le même dynamisme d'innovation dans les technologies sans fil. Cependant ce sera sans moi, parce que je pense que je serai depuis très longtemps à la retraite.
DC : Nous vous le souhaitons. Nous nous parlons aujourd'hui aussi parce que vous avez fait confiance à DealCockpit et nous vous remercions pour ça. Qu'est-ce qui vous a fait utiliser l'outil ?
Philippe L. : C'était par recommandation de mon avocat d'affaires. Nous cherchions une dataroom, car nous avions déjà eu une procédure de reprise avortée en 2015. Nous avions sélectionné une dataroom de la banque d'investissement et, comme nous avons une approche directe, nous étions obligés de le faire. C'est par bouche à oreille que finalement, j'en ai eu deux noms. J’ai choisi celle qui m’a été recommandée. La personne qui utilisait DealCockpit m'avait dit qu’il n’y avait eu aucun déboire. C'était ce qui nous intéressait puisque c'était nous qui allions la gérer. Il était donc important qu’elle soit extrêmement fiable.
DC : Et qu'est-ce qui vous a plu ?
Philippe L. : La simplicité. C'était facile à utiliser et la facturation était très claire. En plus, nous n’avons pas eu des problèmes de la prise en main ni de plainte de la société ou des banques d'affaires et des avocats, qui sont connectés.
DC : Est-ce que nous avons des points à améliorer selon vous ?
Philippe L. : Une petite modification pourrait être apportée pour garantir que les utilisateurs ont vu les derniers changements. Peut-être un message en haut de la page indiquant des nouveaux documents ou un onglet de l'historique serait pas mal. Cela permettrait de voir tout ce qui a été ajouté.
DC : Merci, nous prenons le point. Une dernière question pour toutes ces PME pour qui vous êtes vraiment un exemple en la matière. Comment passer d'une PME qui a une super idée à une grosse ETI internationale ?
Philippe L. : D’abord, je pense qu'il faut beaucoup de résilience et beaucoup de travail. Il faut se lever tous les matins et se remettre au combat tous les jours, ainsi que se remettre en question en permanence, ce que j'ai fait depuis vingt ans. Ensuite, il est important de bien s'entourer et, quand on fait appel à des fonds, d'y aller et de ne pas regretter.
On m'a toujours dit, il vaut mieux avoir dix pour cent d’une société qui vaut de l'argent que cent pour cent d'une société qui ne vaut rien. Et finalement : l'argent appelle l'argent. Dans tous les cas, on doit développer et pour cela, il faut de l'argent. Si l’on veut accélérer et si l’on veut marquer les esprits il faut avoir des moyens pour y arriver. Aujourd'hui, il n’existe que peu de moyens de lever d’argent, ce qui rend le processus très dur, mais il faut essayer et il ne faut pas regretter : on peut toujours se dire que l’on aurait pu faire sans, mais pour aller vite il faut des fonds.
Outre la résilience et le travail, il faut de la publicité et, finalement, la foi. Si ça ne marche pas, il faut recommencer. On dit aujourd'hui qu’il faut se planter pour rebondir. J'ai eu de la chance que LID Technologies était ma première société et j'ai réussi. Et j’ai vendu. J'ai fait une belle expérience et c'est d'abord une expérience humaine.
Quand on monte une société, il ne faut surtout pas dire que l’on va gagner de l'argent, mais le prendre comme une expérience humaine et vraiment le vivre.
Il est extraordinaire de voir combien on peut apprendre au cours de cette expérience. Moi, je suis ingénieur à la base. Tout ce que j'ai appris en tant qu’entrepreneur est mille fois ce que j'aurais appris si j'étais resté dans une société en tant que salarié.
DC : Une belle histoire !
Philippe L. : Après, elle continuera différemment. Je vais les accompagner un certain temps, mais je suis plutôt en train de préparer ma suite. Je ne voudrais pas que la société périclite derrière moi, donc, je vais tout faire pour qu’elle puisse continuer avec les meilleures personnes pour la reprendre.
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