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Interview : Frédéric Bensignor, Feniix

Rédigé par Jana Marija Andjelkovic | Nov 21, 2024 7:00:00 AM

DC : Pouvez-vous vous présenter ?

Frédéric Bensignor : Je suis Frédéric Bensignor, 54 ans, et je fais le métier des ESN depuis maintenant 30 ans. Entre mes 25 et mes 40 ans, j’ai travaillé en tant que salarié dans une société de service parisienne où j’étais le directeur commercial pour l'ensemble du territoire français ainsi que pour la Belgique et le Luxembourg. Lorsque j'y suis arrivé en 1995, nous étions une cinquantaine de collaborateurs, mais nous avons rapidement grossi pour atteindre 450 personnes. En 2010, les patrons ont décidé de vendre l’entreprise, car mon PDG, qui était mon mentor pendant 15 ans, arrivait à l’âge de retraite. Conscient que les employés les plus anciens et les mieux rémunérés sont généralement les premiers à partir dans ce genre de fusion ou de rachat, j’ai rapidement compris que le mariage entre eux et moi n’allait pas le faire.

Nous nous sommes donc séparés à la fin de 2010, et j’ai décidé de créer ma première société, Arben, en décembre de la même année. J’ai démarré seul, et mon associé m’a rejoint plus tard. Ensemble, nous avons fait croître l’entreprise à un peu plus de 60 collaborateurs répartis entre Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse et Bruxelles. Parmi cette soixantaine de consultants, j’avais environ 40 salariés et une vingtaine de freelances.

DC : Quelle était l’activité d’Arben plus précisément ?

Frédéric B. : Arben était une ESN (Entreprise de Services du Numérique), notre activité était donc la mise à disposition de collaborateurs auprès de nos clients, principalement des grands groupes dans les secteurs de la banque, de l’assurance, de la grande distribution, du transport et de l’énergie. Nos clients faisaient appel à nous pour renforcer leurs équipes informatiques. Lorsqu’ils avaient besoin de chefs de projet, de développeurs ou d’ingénieurs réseau, ils se tournaient vers notre société pour que nous leur fournissions les consultants nécessaires.


DC : Pourquoi et dans quelles circonstances avez-vous décidé de céder cette entreprise ?

Frédéric B. : Arben a vécu neuf ans et a connu une croissance rapide. En 2019, j’avais un projet de croissance externe pour passer de 70 à 100 personnes. La banque d’affaires qui m’accompagnait m’a fait comprendre qu’elle n’avait pas de sociétés à acquérir à me proposer, mais qu’en revanche, elle avait beaucoup de clients qui souhaitaient nous racheter. Lorsque l’on n’est pas dans la dynamique de vendre sa société et qu’on n’en connaît même pas la valorisation, on peut être hésitant. Mais après avoir fait valoriser l’entreprise, j’ai pris conscience de son potentiel et me suis dit : pourquoi pas. Nous avons donc finalisé la vente en décembre 2019, quasiment jour pour jour neuf ans après la création d’Arben, à une société nommée AFD Tech, qui a elle-même été rachetée par Accenture il y a deux ans. J’ai vraiment vendu au bon moment, car trois mois plus tard, nous étions tous confinés à cause du COVID.

DC : Quelle bonne chance ! Vous avez ensuite créé Feniix, pouvez-vous nous en expliquer la genèse ?

Frédéric B. : Entre 2020 et 2022, pendant le COVID, j’ai pris deux années de détente et je n’ai pas travaillé. Cependant, en 2022, j’ai ressenti le besoin de me remettre au travail. J’ai toujours eu besoin de créer et d’entreprendre. C’est ainsi qu’au début de l’année 2023, j’ai recréé une structure, et Feniix est née. Après la cession d’Arben, j’avais conservé une petite structure pour, initialement, accompagner les repreneurs dans le cadre de la vente. Mais avec l’arrivée du COVID, j’ai décidé d’y mettre fin : les repreneurs eux-mêmes rencontraient des difficultés, avec leurs commerciaux en chômage technique, et je ne me voyais pas facturer du temps que je ne travaillais pas. J’ai donc transformé cette petite structure, réinjecté des fonds, changé le nom et fondé Feniix en mars 2023.

J’ai immédiatement repris mes activités habituelles dans la prestation de services et recontacté bon nombre de mes anciens clients, qui m’ont rouvert leurs portes et confié plusieurs appels d’offres pour que je leur propose des profils et des compétences.

En moins d’un an et demi, Feniix a ainsi atteint une quinzaine de collaborateurs, principalement basés à Paris.

DC : Qu’est-ce qui vous a incité à effectuer une cession partielle de Feniix, seulement 15 mois après sa création ?

Frédéric B. : Je suis toujours resté en contact avec A. Aidoudi le conseiller de la banque d’affaires qui m’avait accompagné lors de la vente de ma société il y a 5 ans, et qui est devenu un ami. Il y a un an, il m’a parlé du groupe Mitem, fondé par Monsieur Michel Teman, que je connais également depuis longtemps, bien que nous nous sommes perdus de vue. Michel Teman est un grand homme d’affaires et chef d’entreprise qui a créé et développé le groupe Mitem grâce à une stratégie de croissance externe. On m’a alors proposé d’intégrer Feniix au sein de Mitem, en réalisant une cession partielle des parts. J’ai accepté de rentrer en discussion avec Mitem et avec Michel Teman, et j’ai décidé de céder une partie de Feniix. Nous avons signé il y a deux ou trois semaines. Le groupe Mitem est donc mon nouvel associé majoritaire, mais je reste à la tête de Feniix, en tant que directeur opérationnel.

Avec l’appui d’un groupe qui a fait le choix de regrouper des sociétés spécialisées dans l’intelligence artificielle, la cybersécurité et la data en faisant de la croissance externe, nous sommes en mesure de créer des véritables synergies. Ainsi, nous pouvons proposer à nos clients une approche ciblée et spécialisée en mettant à profit les compétences respectives de chaque entité du groupe. Je suis très heureux que Feniix ait rejoint Mitem.

DC : Ayant fait les deux, quelle est la différence fondamentale entre un entrepreneur et un manager ?

Frédéric B. : L’entrepreneur prend des risques, car c’est son propre argent qui est en jeu. Rien ne garantit le succès, même si l’on se donne tous les moyens pour réussir et que l’on essaye de faire le maximum. Si ça ne marche pas, l’argent ne rentre pas. En revanche, en tant que directeur commercial, on est salarié d’une entreprise : que celle-ci fonctionne ou non, le salaire est assuré. On bénéficie également d’une structure qui permet de réaliser ses projets, alors que l’entrepreneur, lui, commence chaque jour avec une feuille blanche.

En tant qu’entrepreneur, il faut non seulement accepter de prendre des risques, mais aussi apprendre à se découvrir et à se connaître, pour savoir jusqu’où on est capable d’aller. J’ai traversé des périodes où il était difficile de me lever le matin, car c’est éprouvant de ne pas voir l’argent rentrer et ne pas avoir un salaire. Mais une fois que ça tourne, la satisfaction est immense.

DC : Comment cela se traduit-il au niveau opérationnel ou quotidien ?

Frédéric B. : En tant que manager, je n’ai jamais changé et c’est pour cela que mes équipes me suivent. Je suis quelqu’un de direct et transparent, qui communique toujours avec ses collaborateurs, qu’il s’agisse de bonnes ou de mauvaises nouvelles. J’accorde suffisamment de respect aux autres pour pouvoir les embarquer avec moi et les accompagner dans notre parcours commun. Mon ancien patron me faisait toujours rêver ; j’avais envie de me lever le matin pour me battre pour lui, et j’accompagne mes équipes de la même façon. Lorsque j’ai créé Arben, des collaborateurs m’ont rejoint malgré un salaire moins avantageux, attirés d’un beau projet de construire quelque chose ensemble.

Mais à aucun moment je leur faisais part de mes doutes. Il ne faut pas transférer son stress ou ses inquiétudes à ses équipes. Il faut que les membres de l’équipe voient en leur manager une personne solide, sur qui ils peuvent compter.

DC : Par rapport aux risques d’un entrepreneur, y a-t-il quand même une recette secrète pour réussir ?

Frédéric B. : Un vrai secret que je n’ai appris que récemment, et que Bernard Tapie, l’une de mes idoles, m’a partagé, est que le vrai pouvoir n’est pas de tout contrôler, mais de bien s’entourer. Je me suis entouré des meilleurs, parfois plus compétents que moi sur certains sujets, ce qui ne me pose aucun problème. Je les ai soutenus et guidés, et aujourd’hui, les gens qui travaillent autour de moi sont patrons d’entreprises, directeurs commerciaux, responsables de business unit, qui gèrent des centaines de personnes.

Ce sont des personnes qui me suivent depuis plus de 20 ans, qui me font confiance parce que je les ai toujours accompagnés. Quand j’ai créé Arben, j’ai notamment récupéré une personne qui travaillait avec moi depuis 20 ans et qui m’a suivi les yeux fermés, car à l’époque où j’étais directeur commercial, je n’hésitais pas à aller écorcher mon vernis auprès de ma direction pour les défendre ou pour leur obtenir des choses.

DC : Quelles compétences ont fait de vous l’entrepreneur que vous êtes aujourd’hui ?

Frédéric B. : Je suis autodidacte. À mon grand regret, je n’ai pas de diplôme. Aujourd’hui, mes enfants ont fait de super études, et je leur ai dit : ne commettez pas les mêmes erreurs. Je suis quelqu’un de curieux, qui, malgré quelques défaillances au lycée, avait quand même de bonnes bases, donc j’y suis arrivé, mais non sans peine car il fallait faire 10 fois plus que les autres.

Ce qui a également contribué à mon succès, est ma femme. Elle avait arrêté de travailler pour s’occuper de la famille quand nous avons eu notre troisième enfant il y a 15 ans, ce qui m’a permis de me concentrer pleinement sur mon travail. Sans elle, je n’aurais pas pu faire la moitié de ce que j’ai fait.

DC : Pour revenir à Feniix, quelles étapes décisives ont fait de l’entreprise une “success story” aussi rapide ?

Frédéric B. : En un mot simple, c’est la confiance que m’accordent mes collaborateurs et mes clients. Sans eux, je n’aurais jamais pu développer Feniix aussi rapidement.

Il faut également savoir qu’avec Feniix, j’ai choisi de me positionner sur un segment de marché assez niche : un logiciel bancaire appelé SAB, sur lequel j’avais travaillé pendant dix ans avec Arben. En me spécialisant à nouveau sur ce domaine, j’ai pu rouvrir des portes en offrant cette compétence particulière.

Mais le fondement de cette success story, c’est beaucoup de travail, un peu de chance et, avant tout, la confiance des collaborateurs et des clients qui m’ont rejoint. Il faut inspirer quelque chose qui donne envie de retravailler avec vous, et cette confiance se construit par la transparence. Encore une fois, je suis très direct, même avec les nouveaux collaborateurs. Lors de mon dernier entretien, un candidat m’a d’ailleurs dit qu’avec moi, on sait au moins où on va. En étant transparent dès le début, tout est dit et on est sur la même page.

Il faut également être respectueux des droits de ses salariés, ce qui implique les payer à date. Notre réputation parle pour nous, et c’est ma réputation et mon relationnel qui m’ont permis de retravailler avec des collaborateurs et des clients.

Enfin, il faut constamment entretenir son réseau. Même entre 2020 et 2022, en ne travaillant pas, je continuais à échanger avec des clients et des collaborateurs pour maintenir ces relations. Comme dans tous les métiers, si l’on disparaît, les gens passent à autre chose et nous oublient.

DC : À quel moment avez-vous su que Feniix était prêt à s’adosser à un plus grand groupe ?

Frédéric B. : Il n’y avait pas de moment précis. Je crois que c’était ma rencontre avec Michel Teman qui m’a convaincu. Ce n’était pas une motivation financière, car dans ce cas, j’aurais attendu jusqu’à la fin de 2025, où Feniix aurait valu plus, pour faire une cession. Je voulais accélérer le développement de Feniix, et Michel Teman m’a convaincu avec sa bienveillance et son ambition. C’est un homme remarquable, je le pense du fond du cœur, avec une belle ambition, et qui et très à l’écoute, ce qui est rare aujourd’hui.

Nous parlions le même langage : l’envie de s’investir pleinement dans les années à venir pour que le groupe Mitem, et donc Feniix, soit encore plus valorisé. J’ai bientôt 55 ans, il me reste 6-7 ans à travailler avant d’être à la retraite. Si nous pouvons donc faire un dernier grand coup avant de partir et en profiter, je serai ravi.

DC : C’était donc la synergie avec Mitem qui a joué un grand rôle dans cette reprise partielle ?

Frédéric B. : Oui, absolument. Parfois c’est une question de rencontre de deux personnes, et à un moment donné, il se passe quelque chose. C’est Alexandre Aidoudi, mon banquier d’affaires, qui m’avait déjà accompagné lors de la cession d’Arben, qui m’a parlé de Michel et nous a permis de reprendre contact. Il y a des moments dans la vie où deux personnes tombent à pic et se rapprochent, et nous avions un tel moment.

DC : Vous parlez de votre banquier d’affaires. Est-ce que l’accompagnement joue un rôle majeur dans cette démarche ?

Frédéric B. : Un rôle énorme, même. L’accompagnement de Alexandre Aidoudi, et donc d’ALMA Deals & Conseils, a été extrêmement important. C’était la deuxième fois que j’ai fait un exit avec lui et il a toujours mis mes intérêts avant les siens. Plus précisément, lorsque j’ai cédé ma première société, la situation a mal tourné un mois avant la vente. Alexandre m’a laissé la décision de continuer ou non, et de chercher un autre acquéreur potentiel, alors qu’il aurait très bien pu me pousser à vendre pour toucher sa commission. Aujourd’hui, comme il y a cinq ans, je lui accorde une confiance totale. Je lui ai dit : “Alexandre, je te confie ma vie – fais-en bon usage.”

DC : Vous avez fait recours à DealCockpit pour vos besoins de Data Room lors de cette opération et nous vous en remercions. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?

Frédéric B. : Encore une fois, c’est Alexandre Aidoudi qui m’a mis en relation avec DealCockpit pour la partie Data Room. Il vous avait fortement recommandé et je suis très content d’être rentré en contact avec vous, car la prise en main de l’outil était, en effet, très rapide et simple. DealCockpit est simple et agréable d’utilisation, et je retrouvais rapidement tout dont j’avais besoin, de la gestion de fichiers à la gestion des accès. Cela rejoint l’importance de l’accompagnement par la banque d’affaires, qui va jusqu’à choisir les bons partenaires et les mettre en relation pour aller au bout d’une vente et avoir le meilleur résultat possible.

DC : Comment cet outil vous a-t-il aidé concrètement dans ce processus de cession partielle ?

Frédéric B. : S’appuyer sur un partenaire comme DealCockpit génère une véritable confiance auprès des acquéreurs, car ils sont assurés de la transparence de l’opération. Ils se rendaient compte que, moi, en tant que cédant, j’investissais pour mettre en place une Data Room – et pas avec n’importe qui.

Cela crée une vraie crédibilité dans le cadre d’une cession.

DC : Avez-vous utilisé un outil comparable pour votre cession d’Arben ? En quoi DealCockpit est-il différent ?

Frédéric B. : Je me souviens que nous avions une Data Room à l’époque et que mon collaborateur avait pas mal galéré avec la plateforme. DealCockpit, en revanche, est très clair et simple d’utilisation, et je trouvais que la solution n’était pas excessivement chère.

Ce que j’ai également beaucoup apprécié était le support commercial de la part de Fiona, qui est incroyable et extrêmement compétente dans son accompagnement. Elle m’a bien présenté l’outil et elle m’a toujours aidé lorsque j’ai eu besoin.

DC : Y a-t-il des aspects que nous pouvons améliorer ?

Frédéric B. : J’avais parfois du mal avec la gestion des accès lorsque je rajoutais un nouveau document. Parfois, les utilisateurs n’étaient pas informés que ce document avait été ajouté, et il fallait à chaque fois faire la manipulation des droits dans chaque groupe.

DC : Merci pour le retour, nous sommes en train d’implémenter un système qui facilitera ce processus. Pour finir, si vous deviez transmettre un conseil qui vous a marqué ou qui vous a tenu à cœur tout au long de votre carrière, quel serait-il ?

Frédéric B. : Ne lâche jamais. Quand tu reçois des mauvaises nouvelles, passe à autre chose. Il y a des choses plus graves dans la vie que d’avoir perdu un contrat, par exemple. J’applique cela à moi et à mes équipes : allez prendre de l’air, allez au tennis, au cinéma… Il faut rapidement rebondir, sinon on reste à ruminer dans son coin.

Deuxièmement, rester soi-même. Être transparent, être honnête, être direct.