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Interview avec Nisrine Sayah

Nous nous entretenons avec Nisrine Sayah, Directrice des Opérations et RCCI chez A Plus Finance.

DEALCOCKPIT : Pouvez-vous vous présenter ?

Nisrine Sayah : Je suis Nisrine Sayah, Directrice des Opérations au sein de la société de gestion A Plus Finance. J'ai rejoint A Plus Finance en 2014, en tant que RCCI (Responsable de conformité et contrôle interne) et j'ai pris en charge le secrétariat général en 2016. Mes responsabilités se sont rapidement élargies, englobant un spectre plus vaste et une vision plus transversale des activités de la société de gestion. Depuis 2023, je suis Directrice des Opérations, ayant également repris la direction financière de l'entreprise. En tant que Directrice des opérations, mes fonctions couvrent la conformité, le contrôle interne, la direction des ressources humaines, la direction financière et tous les aspects transversaux de l’activité de la société.
A Plus Finance est une société de gestion de portefeuille créée en 1998, un acteur reconnu dans le financement de l’investissement à impact sociétal et environnemental, disposant de 2 pôles d’activités principaux et complémentaires, les investissements en immobilier et le Private Equity.

DC : Quel est le rôle d’un RCCI ? 

Nisrine S. : La fonction de RCCI est avant tout une fonction réglementaire indépendante, soumise à une carte professionnelle délivrée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Le rôle principal d'un RCCI est de veiller à la conformité de la société de gestion à son programme d'activité, de s'assurer du respect des agréments délivrés par l'AMF, et de veiller à ce que toutes les activités et opérations soient réalisées en conformité avec les lois et réglementations applicables ainsi qu’avec les règles professionnelles et les procédures internes.
Le RCCI a également un rôle, vis-à-vis de la direction générale et vis-à-vis des salariés, de formation, d’information et de conseil.
Dans les grandes structures, ces responsabilités sont confiées à des équipes de conformité et de contrôle interne ; dans les plus petites entreprises, la responsabilité est celle du RCCI.
Le RCCI identifie donc les règles applicables, conformément aux législations et réglementations auxquelles est assujettie la société de gestion et met en place les procédures internes visant à les respecter et évalue les risques de manquement et les sanctions possiblement encourues par sa société en cas de non-conformité.
Le RCCI a également un rôle de contrôle de 2ème niveau afin d’identifier les éventuels manquements et établir des recommandations pour améliorer les process.
C'est un métier transversal et essentiel, souvent méconnu car une absence d'événements notables est le signe d'un bon fonctionnement. La collaboration avec les équipes est cruciale, notamment avec les asset funders (équipes commerciales), les asset managers (équipes de gestion) et l'asset servicing (équipes de middle et back office), cette dernière étant la fonction de support garantissant la conformité de 1er niveau des activités, permettant de répondre aux exigences des contrôles internes (RCCI) et externes (les commissaires au compte, les dépositaires et les autorités de tutelle).

DC : Le métier du RCCI est bien plus qu’une fonction support. Le considéreriez-vous comme pierre angulaire des fonds d’investissement ? 

Nisrine S. : Lorsqu'une société sollicite l'agrément de l'AMF pour devenir une société de gestion de portefeuille, elle doit obligatoirement disposer, à minima, d'une gouvernance, d'une équipe de gestion, et d'un RCCI. Le travail du RCCI se veut collaboratif, un partenaire essentiel dans la réussite des projets, impliquant une coopération étroite avec les équipes.
Le RCCI joue un rôle crucial en accompagnant et conseillant les équipes et son champ de compétences est très large. Il est également le correspondant des autorités de contrôle. La polyvalence et la capacité à proposer des solutions deviennent des compétences cruciales dans ce rôle quotidien.
Le RCCI élabore un plan de contrôle lui permettant d’évaluer les risques opérationnels, de réputation, de sanction, de conflits d’intérêts et de manquements aux règles (législatives, réglementaires et internes).

DC : Pouvez-vous détailler les domaines spécifiques dans lesquelles votre société choisit d’investir ? 

Nisrine S. : A Plus Finance a été fondée en 1998, d’abord avec une activité de Private Equity, investissant à travers des fonds grand public qui offraient des avantages fiscaux sur le revenu ou sur l'ISF (impôt sur la fortune à l'époque). Initialement, notre clientèle était principalement composée de clients non professionnels.
Depuis 2012, la société de gestion a développé une activité de gestion immobilière. Depuis lors, nous avons considérablement développé à la fois l'activité immobilière et celle du Private Equity, au travers de la gestion de fonds professionnels. Aujourd'hui, nous gérons un portefeuille de plus d'un milliard d'actifs sous gestion. Malgré notre effectif relativement modeste d'un peu moins de 25 personnes, nous avons réussi à atteindre une clientèle à prédominance institutionnelle, représentant plus de 85 % de notre clientèle totale.
Au cours de ces 25 années, notre activité a considérablement évolué, et naturellement, la fonction de conformité et de contrôle interne a suivi et accompagné cette transformation.

DC : Quels sont les critères clés qui orientent ces décisions d’investir ? 

Nisrine S. : Les critères sont multiples. Tout d'abord, nous examinons les cibles d'investissement, au regard de leur conformité à la stratégie d’investissement du(des) Fonds concerné(s).
Des due diligences approfondies sont effectuées par les équipes de gestion afin de valider la thèse d’investissement et le dossier est soumis à un comité d'investissement. Tous les membres ayant un droit de vote, y compris les gestionnaires de la société, peuvent alors voter. Le RCCI est membre des comités d’investissement avec un droit de veto, lui permettant de valider la conformité à la stratégie définie pour chaque Fonds ciblé et veiller au respect de la réglementation.

DC : Les réglementations sont souvent perçues comme des contraintes. Comment réussissez-vous à aligner le business et la conformité lorsque les décisions divergent ? 

Nisrine S. : Les sociétés de gestion sont des entités régulées, la réglementation n'est pas un obstacle au business et permet de réguler les activités.
Nous devons donc nous conformer à la réglementation française, mais aussi à la réglementation européenne, avec des décrets qui découlent de cette dernière et transposés en France. Face à ces multiples exigences réglementaires et organisationnelles, il est impératif de travailler en collaboration et de mettre en place des procédures internes ainsi que des contrôles de 1er, 2ème, voire de 3ème niveau avec l’aide de partenaires en charge de contrôles périodiques.

DC : Comment mettez-vous en place des stratégies pour anticiper et gérer les risques potentiels liés aux investissements de votre entreprise ? 

Nisrine S. : Tout d'abord, une bonne connaissance de la réglementation et des risques liés aux activités de la société sont nécessaires. Cela permet de formaliser des procédures internes et de mettre en place un plan de contrôle fiable et exhaustif couvrant l’ensemble des activités exercées, des opérations réalisées, des fonds gérés et des collaborateurs concernés.
Le RCCI réalise des contrôles de second niveau qui visent à vérifier que la réglementation applicable à une opération est respectée, que les procédures internes de la société de gestion sont suivies, et que le contrôle de premier niveau a été effectué de manière satisfaisante. Lorsque les processus évoluent, les procédures et les plans de contrôles doivent s'y adapter. En cas de risque identifié par un contrôle, il convient de mettre en place des mesures pour atténuer ce risque, aboutissant à un niveau de risque net plus faible.
Il est crucial de rester informé des développements du marché, des législations et réglementations, et d'ajuster constamment les procédures et contrôles pour fournir les conseils les plus éclairés possibles. La collaboration continue avec les équipes et une adaptation constante sont les clés pour anticiper et gérer efficacement les risques potentiels.

DC : Lorsqu'un risque majeur est identifié, comment le gérez-vous ? 

Nisrine S. : L'approche consiste généralement à mettre en place de nouveaux processus et des contrôles supplémentaires pour réduire le niveau de risque. Si, malgré ces mesures, le risque reste jugé trop élevé, la décision peut être prise de ne pas poursuivre l'opération.
Cette démarche peut sembler simple, et en réalité, elle l'est. Soit on parvient à atténuer le risque en adaptant nos processus internes, soit le risque demeure trop important, auquel cas la société de gestion prend la décision de ne pas procéder à l'opération, que ce soit un investissement, une entrée en relation avec un client, ou un partenariat.
Dans tous les cas, la priorité est de protéger les intérêts des clients et de la société et la décision de ne pas poursuivre une opération peut être la meilleure option dans ces circonstances.

DC : Comment gérez-vous les incidents de non-conformité lorsqu’ils surviennent ? 

Nisrine S. : Comme avec les risques, la gravité de la situation peut varier de faible à forte. Lorsqu'une opération n'est pas conforme, cela indique simplement que l'opération en question, examinée par les contrôleurs de 1er niveau et/ou le RCCI, n'a pas été jugée satisfaisante. Des recommandations sont formulées à chaque niveau de non-satisfaction du contrôle, et ces recommandations sont ensuite transmises aux équipes pour résolution.
L'erreur identifiée est corrigée, et lors du prochain contrôle, si toutes les recommandations ont été suivies, le contrôle est jugé satisfaisant et l’opération conforme. Il s'agit d'un processus continu d'amélioration et de correction pour garantir que les opérations respectent les normes et les réglementations en vigueur.
En réagissant rapidement aux incidents de non-conformité, en corrigeant les erreurs et en mettant en œuvre des recommandations, l'entreprise peut maintenir un niveau élevé de conformité dans ses opérations.

DC : Quels logiciels utilisez-vous pour faciliter ce processus de contrôle interne au sein de votre organisation ? 

Nisrine S. : Nous n'avons pas de logiciel ou d'outil spécifique dédié au contrôle interne. Cependant, nous utilisons généralement les outils opérationnels mis à disposition au niveau des équipes. Par exemple, si un outil de CRM est utilisé, le RCCI aura accès à cet outil pour effectuer ses contrôles. De même, s'il existe un outil de suivi des investissements (dealflow), le RCCI peut y accéder pour contrôler la manière dont cet outil est utilisé, mis à jour, et s'il y a des sujets particuliers. Lorsqu'il y a des outils spécifiques mis en place, le RCCI est également chargé d'ajouter des contrôles spécifiques à son plan de contrôle pour évaluer leur utilisation, la fréquence de mise à jour, le suivi, etc. Parfois, des prestataires externes proposent des outils dans le cadre de contrôles de troisième niveau, offrant une vision externe avec un contrôle complémentaire à celui du RCCI. Ces prestataires peuvent apporter une perspective externe plus élargie, ayant une connaissance approfondie des pratiques dans le secteur de la gestion d’actifs.
Les prestataires externes jouent également un rôle crucial en fournissant des services de veille réglementaire, juridique, etc. Ils sont en mesure de partager des informations sur les meilleures pratiques du marché et de donner des conseils pour améliorer les processus internes. Ces partenariats avec des prestataires externes contribuent à la veille réglementaire et juridique, ce qui est essentiel dans un secteur en perpétuelle évolution comme le nôtre.

DC : Au niveau de Data Room, vous faites confiance à DealCockpit et nous vous en remercions. Ce n’est pas toujours une pratique courante dans les fonds d’investissement. En quoi DealCockpit est-il différent des autres outils ? 

Nisrine S. : La principale différence qui nous pousse à choisir DealCockpit réside dans le fait que cet outil est français. Cette caractéristique est un facteur de sécurité essentiel pour nous, car elle garantit un niveau de sécurité élevé, crucial lorsque des informations critiques et confidentielles sont partagées, dans notre cas dans le cadre de levées de fonds. La sécurité des data rooms est un aspect essentiel, et de nombreux investisseurs pour lesquels nous ouvrons ces data rooms sont très attentifs à la qualité et à la sécurité de ces outils.
DealCockpit offre une sécurité reconnue, ce qui est particulièrement important lorsqu'il s'agit d'institutionnels tels que des banques ou des compagnies d'assurance.

DC : Merci pour ce retour. Dernièrement, avez-vous un conseil pour l’optimisation des processus internes pour les fonds d’investissement ? 

Nisrine S. : Il est essentiel que la gouvernance des sociétés de gestion accorde une grande importance au rôle du RCCI. Ce poste doit être valorisé au sein des structures et représenté au sein des comités de direction ou comités exécutifs.
Cela permet au RCCI d’être suffisamment informé et impliqué dans les décisions stratégiques pour fournir un meilleur accompagnement à la structure.
Pour conclure et de manière plus générale, les fonctions administratives et de contrôle, dont on n’entend pas forcément parler, constituent la pierre angulaire de toute activité et assurent le bon fonctionnement de l’ensemble de la structure. Une valorisation adéquate de ces fonctions non seulement renforce la cohésion interne, mais contribue également à la maturité et à l'efficacité globales de l'entreprise. Une communication fluide entre toutes les parties prenantes, y compris les équipes administratives et celles en charge de la gestion, est cruciale pour que toutes les chaînes soient correctement imbriquées et fonctionnent harmonieusement.
En valorisant ces fonctions on évite donc des départs fréquents qui pourraient entraîner une perte de maturité au sein des équipes, une réduction de la rapidité d'exécution et une moindre cohésion globale. Cette vision holistique de l'entreprise, où chaque fonction joue un rôle précieux, est nécessaire pour garantir la réussite et la croissance à long terme.