Interview : Philippe Lefaure, LID Technologies
Nous interviewons Philippe Lefaure, Fondateur de LID Technologies, leader mondial de l'équipement automobile spécialisé dans les technologies sans...
Cyclezen s’est imposé en peu de temps comme un acteur attentif à un sujet encore largement négligé : l’accès simple et responsable aux produits d’hygiène féminine en entreprise. À la tête du projet, une jeune fondatrice qui a transformé une évidence en marché, puis en solution concrète. Nous l’avons rencontrée pour revenir sur son parcours, les choix qui ont façonné Cyclezen et les enseignements tirés de sa récente levée de fonds.

DC : Pouvez-vous vous présenter ainsi que Cyclezen ?
Samia Dahmouni : Je suis Samia Dahmouni, fondatrice de Cyclezen, une entreprise à mission dédiée à l’économie circulaire autour des menstruations. Nous avons deux objectifs. Le premier : améliorer le bien-être menstruel des femmes dans les établissements publics et privés grâce à l’installation de distributeurs de protections périodiques 100 % organiques, sans plastique ni produits chimiques.
Le second : réduire l’impact environnemental des protections jetables. Comme nos produits sont entièrement organiques, nous développons la première filière de valorisation des déchets menstruels pour les transformer en compost pour l’agriculture ou en biogaz pour les habitats.
DC : Quelle est la genèse de l’idée et qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a rendue particulièrement sensible à ce sujet ?
Samia D. : La genèse du projet vient d’abord d’une prise de conscience globale sur nos modes de consommation et de ma volonté de contribuer à des solutions plus durables. J’ai orienté ma carrière vers une start-up à impact qui développait un outil de traçabilité dans le textile, une expérience qui m’a permis de comprendre les enjeux législatifs liés à la loi AGEC, qui encadre fortement la consommation durable et la lutte contre le gaspillage.
Après avoir quitté cette start-up, j’avais enfin l’esprit libre pour envisager mon propre projet. Lors d’un voyage, je suis tombée sur des emballages de protections périodiques, notamment des applicateurs de tampons en plastique. Je me suis demandé comment de tels produits pouvaient encore exister, pensant même que c’était interdit.
En faisant mes recherches, j’ai découvert que la loi AGEC venait justement de publier un décret sur les textiles sanitaires à usage unique (couches, lingettes, mouchoirs et protections périodiques) avec la volonté d’encourager des produits plus sains, de réduire le plastique et de développer une économie circulaire autour de ces déchets. C’est de là qu’est née progressivement Cyclezen : l’envie de proposer aux consommatrices des produits bons pour leur santé et, surtout, de réduire l’impact environnemental sans faire peser sur les épaules des femmes la charge mentale de choisir entre santé, écologie et praticité.
D’autant que pour plus de 70 % des femmes, il est encore difficile d’utiliser des solutions réutilisables.
DC : Avoir une idée et créer une entreprise, ce n’est pas la même chose. Qu’est ce qui vous a fait passer de l’idée au produit ?
Samia D. : J’avais déjà cette envie d’entreprendre et je me suis dit qu’il était temps de mettre mon énergie dans un projet auquel je crois vraiment, que je pourrais façonner à ma manière, en suivant mon intuition et les signaux faibles que je percevais.
En approfondissant mes réflexions : le besoin d’améliorer le bien-être des femmes dans les espaces publics et privés, et spécifiquement l’idée du bien-être menstruel, via l’installation de distributeurs, s’est imposé. Ce n’était pas une idée totalement nouvelle, mais les solutions existantes n’étaient ni circulaires, ni toujours saines, et il n’y avait aucune traçabilité de bout en bout. C’est exactement ce que je voulais apporter.
Le véritable signal fort est arrivé lorsque j’ai présenté mon projet lors d’un concours pour intégrer un incubateur. Le jour même, des acteurs capables de m’aider à développer cette filière sont venus me voir : ils cherchaient justement des projets d’économie circulaire à accompagner. Pour moi, ça a été décisif. Si un industriel international est prêt à me soutenir : il faut y aller.
DC : À quel moment avez-vous su que le modèle était scalable mais également qu’il fallait lever des fonds ?
Samia D. : Dès l’émergence de l’idée, j’ai su que le modèle était scalable. Je voyais déjà des concurrents dans d’autres régions ou pays, mais aucun n’était implanté localement en Nouvelle-Aquitaine. Je savais donc que je pouvais m’établir rapidement ici, créer une marque forte, puis étendre le modèle à l’échelle nationale puis, européenne. Plusieurs pays de l’UE sont très sensibles au bien-être menstruel, à la durabilité et à l’économie circulaire, donc l’opportunité était évidente.
J’ai également compris dès le départ qu’il me faudrait lever des fonds. Il fallait payer mes fabricants en amont, recruter rapidement pour rattraper mon retard face aux concurrents, et financer toute la phase d’expérimentation et de recherche liée à la valorisation des déchets.
Quand j’ai intégré l’incubateur, le 1ᵉʳ juillet 2024, un événement investisseurs avait lieu deux jours avant. J’ai tout fait pour y participer, même si je n’avais encore rien finalisé. J’ai été transparente : je n’avais qu’une idée. Je voulais simplement les rencontrer. C’était important pour moi de prendre de l’avance et de poser les premières bases immédiatement.
DC : Comment vous êtes-vous projetée au moment de préparer cette levée de fonds ?
Samia D. : Pour moi, une levée de fonds raconte toujours l’histoire d’un·e entrepreneur·e, et cette histoire est propre à chacun·e. Dès le début, je me projetais très clairement : je savais avec quels fonds j’avais envie de travailler, quels Business Angels je voulais à mes côtés…. « avec qui ai-je vraiment envie d’avancer ? » L’idée était de ne pas me retrouver à choisir par défaut, ce que j’ai vu certains entrepreneurs faire par nécessité. Je n’en avais pas envie, surtout après avoir mis vingt ans à me lancer.
Je l’ai dit dès le premier jour aux personnes avec qui j’ai échangé : je veux pouvoir sortir d’un board, aller déjeuner avec mes investisseurs et discuter de tout et de rien. C’était vraiment la vision que je me racontais dès juillet 2024, et c’est comme ça que j’ai commencé à dessiner ma levée.
J’avais un montant en tête, mais plus j’avançais, plus je réalisais qu’il faudrait le doubler. Compte tenu de la conjoncture, si je n’obtenais pas de prêts ou de subventions, il fallait envisager le scénario du pire : être capable de vivre un an et demi sans chiffre d’affaires.
Mon ambition était évidemment d’en générer, mais je devais prévoir l’hypothèse où, même avec un produit lancé, on ne ferait pas de revenus tout de suite. Ce qui n’est pas le cas fort heureusement.
DC : La levée de fonds est souvent racontée de façon romancée ou au contraire très mécanique. Quels éléments de l’opération vous ont le plus surprise dans la réalité ?
Samia D. : Honnêtement, ça n’a pas été une promenade de santé. J’ai fait exactement ce qu’il ne faut pas faire : mener dix batailles en même temps. Je gérais simultanément la levée, la réception de mon stock, le déploiement chez mon premier client et mes premiers recrutements.
Finalement, j’ai atteint mon objectif, mais j’en suis sortie complètement essoufflée. On dit généralement que soit on développe son business, soit on lève des fonds. Mais je ne voulais pas ralentir et perdre l’avance que j’avais sur mes concurrents.
Au début, je prenais les choses assez tranquillement : des rencontres informelles avec des personnes intéressées, prêtes à investir. Ce n’est qu’en mars 2025 que j’ai commencé à structurer la démarche. Cinq investisseurs étaient intéressés, dont un déjà engagé via un compte courant d’associé.
Finalement, début juillet, une fois tout prêt, j’ai réussi à avoir tous les investisseurs potentiels au téléphone en deux heures. Quatre d’entre eux m’ont lâchée à la dernière minute. J’étais à 50 % de ce que j’avais prévu quand un vrai concours de circonstances s’est produit. Je me suis retrouvée à échanger avec un entrepreneur, fondateur d’une entreprise internationale dans un domaine proche du mien (dont je ne peux à ce stade dévoiler le nom).
Je lui présentais Cyclezen uniquement pour avoir un retour d’expérience, pas du tout pour lever des fonds. Je lui ai partagé ma vision à cinq ans, et c’est ça qui lui a plu : le côté visionnaire. À tel point qu’il m’a dit vouloir investir immédiatement. Jamais je n’aurais imaginé que ce serait cette personne-là qui comblerait exactement ce qui me manquait pour finaliser la levée, en octobre.
Ce n’est pas vraiment de la chance, plutôt un alignement de circonstances et le fait d’être prête. Il m’a demandé des informations confidentielles, mon pitch deck… Je n’avais rien à perdre. Je lui ai présenté ma stratégie et il m’a donné 90 % de son “go” immédiatement, alors qu’on venait juste de se rencontrer. Il cochait toutes les cases de l’investisseur idéal. En septembre, il a étudié le pacte d’associés, on a ajusté quelques points et c’était signé.
Avec du recul, je me dis que les trois investisseurs qui m’ont dit non, c’était exactement ce qu’il me fallait. Ils auraient pu m’apporter beaucoup, mais pas autant que cet investisseur aujourd’hui. Dans chaque échec, il y a une réussite derrière : si on sait la saisir.
DC : La levée de fonds ne s’arrête pas exactement là : où en êtes-vous aujourd’hui du financement global de Cyclezen ?
Samia D. : Nous avons finalisé la première partie de la levée, la partie dilutive, et je l’ai d’ailleurs déjà annoncée officiellement. En revanche, la levée n’est pas totalement bouclée : nous sommes encore en train de travailler sur la partie non dilutive, avec de la subvention et de la dette.
C’est la raison pour laquelle nous ne communiquons pas encore sur la clôture complète de l’opération : tant que la partie non dilutive n’est pas finalisée, la levée globale reste en cours.
DC : Pour ce process, vous avez ouvert une data room avec DealCockpit : nous vous remercions pour cela. C’est une démarche rare en Seed car les entrepreneurs considèrent généralement l’opération trop petite. Pourquoi donc ce choix ?
Samia D. : Je suis quelqu’un de très prudente, et je ne voulais surtout pas envoyer mon deck par e-mail. Même en Seed, j’avais besoin d’un outil qui me permette de tracer ce que je partageais. J’étais convaincue de ce que j’étais en train de construire, et l’économie circulaire est un sujet qui peut être difficile à appréhender : être transparente avec les investisseurs était indispensable. Une data room me permettait de partager en toute sécurité mon prévisionnel, mon deck ou tout autre document sans prendre de risques. Pour moi, c’était un réflexe naturel.
Beaucoup d’entrepreneurs s’en privent à ce stade, mais c’est une erreur : même en Seed, les données qu’on partage sont confidentielles. On n’est plus au stade du post-it. J’ai travaillé des heures sur mon prévisionnel et avec mes partenaires clés ; il était hors de question de le laisser circuler librement. Un Drive ne permet pas de tracer qui fait quoi avec les documents.
L’autre avantage, qui a parfaitement répondu à mon côté prudent, c’est de savoir qui était vraiment intéressé par Cyclezen. Beaucoup de fonds demandent de l’information, mais très peu prennent le temps de la consulter. Par e-mail, on ne peut que relancer. Avec DealCockpit, je voyais qui se connectait, qui téléchargeait, qui revenait. Cet élément stratégique m’a permis de faire le tri et d’éviter de perdre du temps à courir après des investisseurs qui n’avaient en réalité aucun intérêt.
Une levée est extrêmement chronophage. Je n’avais pas envie d’être la start-up qui relance sans cesse. Si quelqu’un ne consultait pas les documents, je pouvais simplement le retirer : aucun risque que mon deck reste dans une boîte mail.
Et puis il y a la protection. Il m’est arrivé de rencontrer un fonds qui ne m’avait jamais dit qu’il avait l’un de mes concurrents en portefeuille. Heureusement, je l’ai découvert en regardant leur site en rentrant. Si je leur avais envoyé mon deck par e-mail, mes informations confidentielles auraient pu se retrouver directement entre les mains de mon concurrent. Avec une data room, même si je les avais ajoutés, j’aurais pu les retirer immédiatement.
C’est clairement une sécurité de plus pour protéger son entreprise.
DC : Y a-t-il eu de changements dans votre manière de piloter l’entreprise depuis l’entrée des investisseurs ?
Samia D. : Je pilote l’entreprise comme j’en ai envie parce que j’ai choisi mes partenaires. Ce sont des investisseurs qui ont signé un pacte d’associés très avantageux pour moi, qu’ils ont questionné mais jamais remis en cause. Ce pacte me donne une vraie liberté tout en restant disponible et en consultant le board quand c’est nécessaire.
J’ai surtout la chance d’avoir choisi des personnes qui me font confiance. Ils croient évidemment en Cyclezen, mais ils ont d’abord investi en moi : en ma personnalité, en ma capacité à exécuter, à porter le projet et à délivrer. Si demain je me retrouve face à un obstacle que je ne parviens pas à dépasser seule, ils savent que j’aurai déjà fait tout ce qui était possible. Et que si je leur demande de l’aide, c’est que j’ai besoin d’une expertise complémentaire ou d’un coup de pouce stratégique.
Ils ont compris que ce chemin entrepreneurial compte énormément pour moi, que c’est aussi une manière de me réaliser. Et parce qu’ils l’ont compris, ils m’accompagnent dans cette ambition.
Aujourd’hui, j’ai un board que beaucoup rêveraient d’avoir, surtout dans une période où il est difficile de lever des fonds, encore plus sur un sujet qu'on a envie de laisser de côté, mais qui est néanmoins un enjeux d'avenir majeur.
Lors de notre premier board meeting, ils ne se sont pas focalisés sur la rentabilité ou sur des métriques à court terme. Leur priorité était plutôt de comprendre sur quels jalons eux-mêmes pouvaient intervenir. Si j’ai un besoin exceptionnel, il me suffit d’envoyer un e-mail et trois jours plus tard, un comité est organisé sur ce point stratégique qui peut changer la trajectoire de Cyclezen. Tout le monde est présent, réfléchit, partage son analyse. Et si la réunion n’était pas en visio, je suis persuadée qu’on irait tous déjeuner ensemble.
La grande différence dans ma manière de piloter l’entreprise aujourd’hui, c’est que je ne suis plus seule. Au-delà de mon équipe, j’ai désormais à mes côtés de vrais associés, pas simplement des investisseurs. Avant, je portais cette mission seule ; aujourd’hui, je peux les solliciter à tout moment. Et je continuerai d’être transparente et rigoureuse pour leur montrer qu’ils ont eu raison de me faire confiance dans le développement de Cyclezen.
DC : On se reverra donc pour votre prochaine levée ?
Samia D. : Oui, je prévois de démarrer mon roadshow fin 2026, pour une levée que j’espère clôturer en 2027, dans l’optique d’un déploiement national de Cyclezen.
DC : Nous vous le souhaitons. Merci beaucoup Samia !
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